Trop de mensonges, pas de certitudes mais une hypothèse : selon l’accusation, Christopher aurait été poignardé mortellement par celle qui le logeait et aurait été blessé par son cousin. La défense à plaidé l’acquittement.
Ils pensaient que 8 000 kilomètres les séparaient de la vérité et qu’en prenant l’avion à Fort-de-France, le temps du procès leur permettrait de savoir qui avait « poignardé lâchement » Christopher dans le dos.
Christopher, le gosse de Martinique parti en métropole pour démarrer une nouvelle vie et qui a agonisé sur un trottoir lyonnais une nuit de février 2017.
« Tant de mensonges, tant de discours »
« Tant de mensonges, tant de discours », s’est écriée Elsie Granville, la mère dont la colère froide, la frustration trop longtemps contenue a affronté crânement et dignement Pauline Iya, cette femme « qui se prenait pour la Mère Tereza ».
Alors qui à tué Christopher ? Face à un fouillis de déclarations farfelues et mensongères des cinq protagonistes, l’avocate générale Cathy Pajon n’a pu que formuler une hypothèse. Celle de la co-action : « Le coup dans le dos a été porté par Mme Lya. M Richol à donné le coup dans le bras que la victime a paré. »
Elle évacue la thèse de la culpabilité d’un des enfants, aucun ne portant de traces de sang sur lui. Considérant l’ex-couple responsable, elle requiert contre chacun d’eux la même peine : 12 ans de réclusion criminelle.
« La vérité, on ne la connaîtra jamais ! »
« On ne sait pas ce qui s’est passé. On ne peut condamner quelqu’un à douze ans de prison sur une simple hypothèse ! », s’offusque Maître Agbo, le conseil de Pauline Iya.
Indignation aussi chez l’avocate du coaccusé Laurie Ferrer : « M. Richol n’a pas tué et devrait prendre 12 ans ? », rappelant que c’est la mère des adolescents qui a lavé sa robe maculée de sang sur le devant et dans le dos et non David Richol, le grand cousin de la victime.
Son confrère Débastien Sertelon portera le dernier la parole de la défense en réclamant lui aussi l’acquittement, convaincu de l’innocence de son client : « Tout le monde ment, c’est la pire réalité de ce dossier. Messieurs les jurés, vous avez quatre possibilités devant vous et chaque décision va être un drame. »
Deux coupables ? Un seul coupable ? Pas sûr que les trois jours de débats leur aient permis de se forger une intime conviction.
Le verdict a été rendu tard dans la nuit.
Annie DEMONTFAUCON
Lyon Assises, le Progrès du 20/06/2020
Après trois ans de détention, la justice l’innocente
Jugé pour des coups mortels sur un cousin martiniquais, David RICHOL a été acquitté dans la nuit de jeudi à vendredi. Un énorme soulagement pour cet homme resté trois ans en prison parce qu’il s’était accusé.
Après trois heures de délibérés, le verdict avait pour David Richol un parfum de liberté retrouvée. Quand la présidente de la cour d’assises a lu dans la nuit de jeudi à vendredi le « non » du jury à la question « David Richol est-il coupable de violences ayant entraîné la mort ? », il a fondu en larmes. Enfin, la justice le croyait, « ils » le croyaient. Il était acquitté.
Dans la soirée, l’avocate générale avait requis contre le quadragénaire et Pauline Iya, la même peine : 12 ans de réclusion criminelle pour avoir porté deux coups de couteau à Christophe Granville, le jeune Martiniquais hébergé dans le petit appartement du quartier des Etats-Unis (Lyon 8e). Le couperet est tombé sur son ex-compagne (lire par ailleurs) déclarée coupable d’avoir poignardé dans le dos la victime; « Il y a eu un effort de justice, a salué ce vendredi, Sébastien Sertelon, son avocat avec Laurie Ferrer, qui à remporte l’acquittement. C’est une décision consciencieuse et courageuse. »
Mais leurs client ne pourra prétendre à une indemnisation « car il s’est accusé lui-même en 2017. »
Le silence par peur du vaudou
David Rachel revient de loin. Retour en 2017. Alors que toute la famille est placée en garde à vue, il se dénonce aux policiers. Il évoque une altercation suivie d’une agression au couteau de la victime et un geste de légitime défense. « je n’ai jamais cru à ses aveux », nous confie Me Ferrer qui l’a assisté dès la première garde à vue. Son histoire ne collait pas. Je lui disais : « Monsieur, ce que vous racontez, ce n’est pas possible ! » Il n’en démordait pas. »
Pendant le procès, la présidente de la cour, Marie Salord, cherchera à comprendre pourquoi pendant dix-huit mois, ce père de famille qui séjournait chez Pauline Iya, s’était accusé avant de la dénoncer. « j’étais amoureux, j’avais voulu la protéger elle et ses enfants. » « Il ne pensait pas qu’il allait être incarcéré », nous explique son avocate. L’amour s’évapore vite derrière les barreaux et la peur le talonne. Une peur irraisonnée : « Elle m’avait envoûtée ». Elle m’avait injecté son vaudou. Elle allait me tuer moi et mes enfants avec la sorcellerie », répète-t-il lors de l’audience. A son avocate, il dira qu’il préfère être vivant en prison que mort dehors ».
Piégé par l’engrenage qu’il à lui même enclenché, David Richol ne sera placé sous bracelet électronique que grâce aux efforts de son conseil.
Aujourd’hui libre, il va reprendre son métier de maçon dans la région parisienne. Et se battre pour récupérer ses trois enfants qui avaient été placés.
Annie DEMONTFAUCON
Libre, elle est condamnée à 8 ans de prison
Des cris, des pleurs, un immense choc : en entendant le verdict qui l’envoyait pour 8 années en prison, Pauline Iya s’est écroulée. Sans casier judiciaire, cette mère de famille camerounaise de 45 ans n’avait jamais été placée en détention provisoire pendant l’instruction du dossier ce qui lui a valu de comparaître libre aux assises. A aucun moment, elle ne s’est imaginée qu’elle pouvait être incarcérée à l’issue du procès d’où peut-être cette froideur et ce détachement affichés pendant les trois jours d’audience. Alors que les gendarmes la menottaient, terrassée par la nouvelle, elle s’est une dernière fois tournée vers son avocat : Maître, pourquoi je vais en prison ? Je n’ai rien fait. » Maître Benito Agbo nous a annoncé ce vendredi qu’il allait faire appel « intimement persuadé de l’innocence de sa cliente » et convaincu que « la messe n’est pas dite ».
Annie DEMONTFAUCON